Un institut métaphorique

Un institut métaphorique est un groupe de recherche à dimensions variables qui associe des artistes, des scientifiques, des danseurs_euses, des chercheurs_euses ayant le désir de questionner les mots de la science et de l’art et notamment l’usage des métaphores dans les pratiques de recherche. Il prend pour terrain de départ l’immunologie (domaine de recherche s’intéressant au fonctionnement de la réaction immunitaire) dont un large pan s’est construit autour d’images liées à la guerre, au danger et à l’identité (employant des mots tels que soi, non-soi, intégrité, attaque, défenses, barrière, tolérance, etc.).

Si ces métaphores ont permis de faire avancer les recherches scientifiques ainsi que leur vulgarisation, elles trouvent aujourd’hui leurs limites, manquant à expliquer certains phénomènes biologiques. En outre, loin d’être de simples représentations ou comparaisons qui facilitent le dialogue et la compréhension, ces dernières transforment et ont au contraire une action sur le réel et sur les corps, ainsi que sur la manière dont nous avons de les appréhender. Ces métaphores employées en immunologie convoquent également des notions que de nombreux artistes et danseurs mettent elleux aussi en question dans leurs recherches et leurs pratiques : les formes du commun, l’accueil ; l’identité, l’altérité ; le territoire en guerre, la frontière ; l’espace et l’architecture ; les normes et le langage…

Un institut métaphorique s’attache ainsi à interroger ce transfert (phora) de sens qu’est la métaphore, cet usage que l’on fait du nom que l’on donne aux choses, afin de mettre à jour, au croisement des différentes pratiques, des imaginaires renouvelés et élargis, de nouveaux récits, de nouvelles articulations pertinentes pour touTEs. A travers des pratiques différentes telles que discussions théoriques, formes plastiques et expériences somatiques, il souhaite mettre les pensées en mouvement, construire et partager des outils de pensée critique, appropriables par d’autres chercheurs, scientifiques, artistes et par le grand public.

Un institut métaphorique est un projet porté par les scientifiques Leïla Périé, Livio Riboli-Sasco, Claire Ribrault (l’Atelier des Jours à Venir) et par Mathilde Chénin et Anna Principaud, artistes plasticiennes.


BIOGRAPHIES

Née en 1980, Mathilde Chénin vit et travaille à Aubervilliers. Au sein de sa pratique qui préfère les versions aux formes abouties et fait de la collaboration un temps privilégié de ses recherches, elle explore les espaces et les formes créés par l’être ensemble au moyen d’écritures élargies et performatives, navigant entre corps, technique et langage. Elle élabore des architectures immatérielles et utopiques, des jeux, des systèmes, des généalogies, des partitions et autres Collective Large Objects, qui puisent leurs matières premières aussi bien auprès des logiques binaires, de la programmation orientée objet, que de la tenségrité qui fait tenir les dômes ou de l’observation des processus administratifs.
Elle développe son travail au sein de résidences de recherche (Géographies Variables, 2012 ; La Box, 2013 ; Coopérative de recherche, ESACM, 2014-2015) et prend part à des processus collectifs de réflexion quant aux stratégies collectives de création (Mind Dancing Laboratory, Station, Belgrade, 2012 ; Laboratoires d’Aubervilliers ; Groupe de Recherche en Homéopathie Binaurale, 2011-2014 ; Metaphorical Institute, Bidart, 2015). Ses recherches donnent également lieu à des performances qui entrelacent narration et travail du geste (Hors-Pistes, Centre Pompidou, 2014 ; Dire et Faire, Bureau des Projets, 2014 ; Nouveau Festival, Centre Pompidou, 2015).

Anna Principaud est artiste plasticienne. Née à Echirolles, elle vit et travaille en Ile-de-France. Diplômée de l’Ecole Nationale d’Arts de Cergy-Pontoise en 2011, elle a auparavant étudié les sciences de la matière, notamment la chimie à l’ENS Ulm jusqu’en 2005. Elle a montré son travail lors d’expositions collectives en France et en Thaïlande. Sa recherche artistique se développe principalement dans le champ de la sculpture, de l’objet, de l’installation mais également à travers l’écriture et la vidéo. Si elle travaille sa forme, sa matérialité, c’est surtout la capacité d’une oeuvre à créer de l’espace et des jonctions qui l’intéresse. « Œuvres-outils », « surfaces négociées », entre contrôle et invitation, ses oeuvres cherchent à questionner l’économie politique des regards qui dessinent notre relation à ce_ux qui nous entoure_nt. Pour reprendre les mots de Jacques Rancières, l’art est pour elle « la façon dont, en traçant des lignes, en disposant des mots ou en répartissant des surfaces, on dessine aussi les partages de l’espace commun. (...) On ne définit pas simplement des formes de l’art, mais certaines configurations du visible et du pensable, certaines formes d’habitations du monde sensible. »

Leïla Perié est docteure en immunologie. Elle a réalisé sa thèse à l’Institut Cochin à Paris puis un post-doctorat au National Cancer Institute d’Amsterdam, grâce à une bourse européenne Marie Curie. Elle inaugure et dirige aujourd’hui un nouveau programme de recherche en immunologie à Paris, à l’Institut Curie, au sein du département de biophysique. Elle développe des approches théoriques couplées à des approches expérimentales. Son champ de recherche porte sur la différentiation des cellules immunitaires. Elle a en outre créé un groupe de travail sur la philosophie de l’immunologie à l’Institut d’Histoire et de Philosophie des Sciences et de Techniques (IHPST) et enseigné la biologie des systèmes au Centre de Recherche Interdisciplinaire (Paris Descartes). En 2010, elle est récompensée par le prix de la recherche de la Fondation Bettencourt Schueller. En 2014, elle est la lauréate de la dotation du programme ATIP-Avenir de la Fondation Bettencourt Schueller.

Livio Riboli-Sasco a étudié la biologie et l’écologie à l’École normale supérieure de la rue d’Ulm. Après une thèse au Centre de Recherches interdisciplinaires, Livio poursuit des recherches en biologie théorique. Il interroge la façon dont les transitions majeures de l’évolution peuvent être étudiées sous l’angle des changements de modalité de gestion de l’information par les systèmes vivants. Livio enseigne également à Science Po Paris invitant des étudiants en sciences politiques à découvrir la démarche de recherche scientifique. En dix ans, il a fondé quatre association, œuvrant dans les domaines de l’action sociale, de la lutte contre les inégalités, de la culture scientifique, de la paix. Après deux années de travail à l’université Paris Descartes pour mettre sur pied des formations innovantes, il s’est tourné vers l’entrepreneuriat social, en créant l’Atelier des Jours à Venir.

Claire Ribrault est docteure en neurosciences de l’Université Pierre et Marie Curie et de l’École normale supérieure. En 2010, sa thèse en neurosciences porte sur les dynamiques moléculaires de la synapse et leur relation avec les processus de mémorisation. En 2011 elle poursuit avec un post-doctorat en physique et biologie à l’université Paris-Diderot portant sur la mécanique cellulaires de la peau. En parallèle de ses recherches, elle est engagée depuis 2005 dans des activités de médiation scientifique et d’enseignement interdisciplinaire par la recherche. Depuis 2013, elle est travaille à plein temps dans le cadre de l’Atelier des Jours à Venir.

Depuis 10 ans, Leïla, Livio et Claire ont mené ensemble une diversité de projets éducatifs (e.g. création d’un programme de licence interdisciplinaire à l’Université Paris Descartes) et de culture scientifique (association Paris-Montagne). Ils s’attachent à former à des pratiques de recherche responsables et réflexives, et à partager ces démarches avec le public pour augmenter l’inclusion sociale, dans une perspective d’empowerment. En 2013 ils créent et co-dirigent l’Atelier des Jours à Venir, première coopérative d’intérêt collectif française travaillant sur les enjeux d’éducation.

L’INFO INSOLITE
A venir.

PROJET DÉVELOPPÉ À MAINS D’ŒUVRES
Un institut métaphorique est déjà venu à Mains d’Œuvres au printemps 2015, à l’invitation d’Anna Principaud qui y menait alors une résidence. Mains d’Œuvres invite cette fois l’ensemble du groupe pour une seconde résidence au printemps 2016.

En amont du prochain temps fort de la plateforme de recherche qui se tiendra à Aubervilliers en octobre 2016, Un institut métaphorique consacrera ce temps de résidence à l’écriture et la réalisation d’un ou plusieurs objets édités, qui viendront remettre en jeu sous des formes textuelles les matériaux et les outils jusque là mis au partage au sein du groupe. Faisant le lien entre les différents temps de travail de ce dernier, ces scripts constitueront une porte d’entrée à la deuxième rencontre, un outil initial mis à la disposition des futurEs participantEs afin qu’illes se mettent à nouveau en mouvement ensemble. Interrogeant les modalités des pratiques de recherche en arts comme en sciences, dans leur rapport aux langages et aux corps, ces textes s’adresseront également à toutes celles qui seraient engagées dans de tels parcours de recherche.

Un institut métaphorique bénéficie du soutient de la fondation Daniel et Nina Carasso.