Un samedi, 7 heures du matin, dans le centre de Paris, près de Beaubourg. Sur un mur aveugle de la ville, une façade reprenant les codes architecturaux du quartier et occupant 10 cm d’espace public est montée et collée en une demi-heure. Située entre le 1 et le 3, la porte (avec boite aux lettres intégrée et sonnette fonctionnant) devient le 1 bis de la rue.

"En installant sur un mur pignon de la rue Chapon, dans le troisième arrondissement de Paris, une façade, apparemment l’entrée du cabinet d’une profession libérale, avec tout l’apparat nécessaire : la boîte aux lettres, la sonnette, la plaque professionnelle qui achève de signifier l’ambiguïté - quels spécialistes ? De quoi ? - Julien Berthier et Simon Boudvin remettent en jeu l’apparence de l’espace urbain et la possibilité pour une entreprise artistique de s’immiscer dans la ville. Jusqu’à ce que les services de nettoyage, en enlevant les tags inscrits sur la porte quelques mois après la pose de la façade, avalisent l’existence de l’adresse. L’espace commun de la polis devient alors un lieu propice à l’étrange et l’étranger pour peu que l’on remarque les changements qui s’y opèrent. La matérialisation d’une adresse réelle pour abriter une profession apparemment fictive crée un non-lieu qui ne relève ni de l’utopique, ni de la pratique. La « prise de pouvoir » des artistes face et via l’architecture et ses moyens donne naissance à des univers dont les références nous sont communes mais dont l’usage nous est étranger, si ce n’est interdit. Une fin de non-recevoir le principe de réalité ?"
Clément Dirié, extrait de l’article « Le Non-Lieu Commun, ou comment ne pas laisser la parole aux spécialistes »

Julien Berthier est né en 1975 à Besançon. Il vit et travaille à Aubervilliers.

Simon Boudvin est né en 1979 au Mans. Il vit et travaille à Bagnolet.

Paul Ardenne
Universitaire (Université des Arts, Amiens), collaborateur, entre autres, de la revue Art Press, Paul Ardenne est l’auteur de plusieurs ouvrages dont L’Art dans son moment politique (2000) et Un art contextuel (2002). Il a été également co-commissaire des expositions Micropolitiques (Grenoble, 2000) et Expérimenter le réel (Albi-Montpellier, 2001 et 2002). Récemment, il a publié le texte « Un autre art urbain, La création contextuelle en marge de la commande publique » dans L’art à ciel ouvert- la création contemporaine – commandes publiques en France 1983-2007. (Flammarion/Cnap)

Clément Dirié
Historien et critique d’art, éditeur en art contemporain et en architecture (dont Flammarion, JRP/Ringier), Clément Dirié collabore à de nombreuses revues dont Archistorm, Beaux Arts Magazine, Code Magazine et publie fréquemment des textes monographiques et thématiques (récemment, « La peinture émancipée » in Agnès Thurnauer, monographie, Monografik). Ses sujets de recherche concernent notamment les relations entre l’art et l’architecture et la place de l’écriture dans les arts plastiques.
Légende visuel : Simon Boudvin & Julien Berthier, Les Spécialistes, 2006, Œuvre in situ, technique mixte, 2 x 3 mètres
Plus d’informations : http://www.galerie-vallois.com/fr/artistes/by/oe.html
http://www.galerie-wiesehoefer.de/berthier/bertp3.html
http://boudvin.free.fr/
http://www.jeanbrolly.com/

* 14H30 • Visite de Mieux vaut être un virus que tomber malade par Isabelle Le Normand, commissaire de l’exposition et le scientifique Emmanuel Ferrand